mercredi 24 octobre 2012

Jésus était Batman : La colère de Joseph

(Avis aux lecteurs pressés : les passages en gras sont facultatifs)

Joseph fait une entrée fracassante : "Cela suffit !", s'écrie-t-il en bousculant la porte d'entrée et percutant de son ciseau à bois, et avec fracas (j'avais prévenu), la carafe que Marie venait tout juste de recevoir en cadeau pour avoir gardé les petits Ibrahim et Aaron un certain soir de solitude.

Avant d'encaisser ce qui lui apparaît comme l'une des plus graves crises de nerfs de Joseph en 17 ans de mariage, Marie s'autorise un bref instant l'évocation mentale de cette soirée en compagnie des enfants de son amie de toujours. Elle leur avait raconté comment Jésus, son fils, avait un jour surestimé la capacité de sa vessie alors qu'il se rendait à l'école. Ils avaient ri au récit du petit s'oubliant devant sa classe de mathématiques alors qu'il s’escrimait à démontrer qu'une crotte de lapin moins deux crottes de lapin équivalait à moins une crotte de lapin, la faute au matériel scolaire peu docile aux subtilités des nombres négatifs. Quelle rigolade !

Et dire que pendant que Marie amusait les enfants, leurs parents, Annah et Melchior, allaient retrouver leurs amants respectifs, Frank et Melvin, mais c'est un détail franchement inutile, revenons à nos brebis non égarées.


"Cette hypocrisie m'exaspère !" reprend Joseph, comme pour sortir sa femme de son impertinente rêverie. "Non, Jésus ne sait pas couper les bûches ; non, Jésus n'est pas habile de ses mains ! Je ne veux plus l'emmener sur les chantiers ! Il est tout le temps comme un piquet mal enfoncé...il...il est infoutu de faire la différence entre le chêne, l'ébène et l'olivier, et tiens...le deuxième jour dernier, j'ai failli l'écraser sous ma charpente... Merde ! Qu'on arrête de me dire qu'il veut devenir comme son travailleur de père quand il dépense tout son pognon en tuniques et sandales délicates !" finit-il par lâcher avant de le regretter aussitôt. 

Au bord des larmes et furieux contre lui-même de ne rien comprendre au bois, Jésus qui a talonné son père malgré le pas rapide saisit la porte de torchis qui menace chaque jour un peu plus de s'effondrer avant de la fermer sans douter. Joseph comprend aussitôt que ses prochaines heures de travail financeront l'achat du bois nécessaire à la fabrication d'une nouvelle porte plus sûre, en olivier massif avec verrou escamotable et fine languette de peau pour l'isolation. Cela fait bien deux mois qu'il y songe. 

Mais tandis que Jésus s'apprête à disparaître dans la nuit, une petite voix se fait entendre, qui se rapproche : "Jésus ! Mon bon Jésus ! Tu tombes bien, je te cherchais !" Jésus reconnait Yacine, l'épicier d'en face qui s'efforce de faire croire à ses voisins qu'il les croise par hasard, douze fois par semaine. "J'entends que tu viens de te disputer avec ton père... Il t'a dit qu'il n'était pas vraiment ton père, c'est ça ?"

À suivre... Jésus était Batman : La colère de Jésus