vendredi 16 décembre 2011

Nouvelle de Noël

Encore trois fois dormir, et Victor oubliera ses combats de canapé pour se ruer sous le sapin.

La liste? Il la connait par coeur.

- Un nouvel ordinateur, plus puissant, pour aller sur internet ;
- un bel appareil photo pour être photographe ;
- un téléphone, plus grand, pour aller sur internet ;
- des livres de textes trop gros à terminer ;
- ...et des livres d'images sur les bateaux.

Et c'est sans parler des billets de Grany, de la blague de la petite soeur - l'année précédente, il avait reçu une carte postale avec un singe, mais c'était sa tête qui était collée à la place de celle du singe et ce petit mot : "À force de faire le singe, t'en es un !!! Je t'aime fréro" - et du virement bancaire de parrain.

Noël, Victor, il adore. Il adore parce que tout le monde s'aime bien. Tout le monde se fait un câlin même ceux qui ne s'aiment pas vraiment. C'est plus facile à cause du champagne, mais quand même, c'est comme si la famille se regardait dans le miroir et se disait "tiens, au fond (de teint), je m'aime encore bien". Amour, rires et chansons de Noël! Au feu les divorces, les infidélités et les enfants dans le dos, les spéculations coquines sur le futur héritage, le nouvel amoureux noir de la cousine - ah non, il est là aussi - et les mauvais résultats scolaires de François, le petit dernier dont le père, Noël, souhaiterait que celui-là soit d'un autre.

Et puis enfin vers une heure du matin, quand les plus sains seront sur le départ et les plus chiants dans leur plumard, Victor s'installera confortablement devant la télévision, parce qu'il n'aura rien d'autre à faire.

Encore une fois, sauf tsunami, l'année christique se terminera bien, comme elle a commencé : dans le canapé.

PS : comme Jésus, Victor et Noël sont résignés depuis longtemps devant cette fatalité qu'est le prénom.

samedi 3 décembre 2011

Pamphlet

La veille, c'était à peu près le Grand Soir sous le chapiteau des révoltés. Il lui avait dit en espagnol ses meilleurs slogans dans l'oreille, ses clichés sur la vie et la mort, son goût pour les choses vraies, le mensonge des banques, le complot des puissants. Il lui avait raconté son expérience bio, sa haine des chairs animales et des gaz d'échappement, ses sensations dans ses sandales et son acuité visuelle en net progrès, qu'il devait certainement au régime de carottes entamé quelques semaines plus tôt. Mais dès vingt heures, il n'était déjà plus capable de poursuivre son prêche. Il avait perdu ses hémisphères, à gauche et à droite, entre deux lampées de mauvais vin. Ce n'était pas très grave, elle n'avait rien compris parce que Zaz chantait un peu trop fort qu'elle aussi, elle avait une fée chez elle. Une fée du logis que ses parents désœuvrés avaient fini par envoyer vers l'ouest, sans grand espoir de revoir un jour la couleur de l'argent. Mais comme on dit en polonais : "on ne sait jamais". Au mieux, elle ramènerait ses titres-services. Toujours est-il qu'après quarante-sept longues minutes de logorrhée libertaire, il n'avait plus de voix. Alors ils se sont échangé des cris d'animaux pour entretenir leur comédie humaine.

Victor et Julie sont indignés.

lundi 22 août 2011

Nouvelle d'été

La gorge nouée et les cheveux défaits, Julie restait indécise sous le porche de Victor. Elle n'avait pas dormi de la nuit et la seule idée de tout révéler lui donnait l'envie de disparaître d'un seul coup. Et pour cause, qui pourrait prétendre vivre sereinement avec un tel secret? Ses yeux embués, irrémédiablement fixés sur le poussoir de la sonnette, elle était à deux doigts de se délester d'un souvenir douloureux, vieux de quelques heures à peine.
"Ding-dong !" La courte mélodie résonnait comme une défaite entre les murs bourgeois de la famille de Vielle. L'attente qui suivit ne dura qu'une poignée de secondes - Victor avait prévu de consacrer son dimanche au profit de sa vidéothèque, dont les classiques s'étaient mêlés aux films de vacances dans un patchwork angoissant de désordre, il était donc dans le salon - mais déjà Julie avait eu le temps de se repasser le film de la scène une demi-douzaine de fois dans le tiroir éthylique de sa mémoire.
Brutalement interrompue dans ses réminiscences - dont elle n'était plus vraiment sûre d'être dégoûtée -, Julie remarquait, béate, que Victor se tenait devant elle.
Lui : « Julie …? Tu es bien matinale ! », s’étonna-t-il catholiquement, tout en relevant, satisfait, que le platane de l’entrée revendiquait encore de belles couleurs en cette fin de mois d'août.
Elle : « Vic…argh…tor… ! », murmura-t-elle, presque imperceptible dans le chaos de ses suffocations. Elle constatait, impuissante, que le diamètre de son orifice glottique avait connu meilleures performances à mesure qu’elle s’acharnait à sortir la moindre intelligibilité. « Je…argh…j’ai… », persistait-elle. Lui, interdit, l'observait se battre contre elle-même et s'inquiétait déjà du sort de Roméo, le petit chat malade que Julie avait recueilli quelques semaines plus tôt.
Et soudain, comme si le poids de ses efforts avait rompu la bride qui frustrait son credo de vérité, Julie laissa s'échapper de son corps meurtri la séquence verbale tant redoutée. Cinq syllabes dont les vierges pavillons de Victor de Vielle garderont un souvenir amer, bien que mal compris :
« J’me suis fait fister ! », lâcha-t-elle d’une traite en s’effondrant dans les bras de celui qu’elle aimait par-dessus tout.
D'après une intuition de Cédric V.

samedi 21 mai 2011

Carla enceinte de DSK!

La révélation défraie la chronique. En effet, le New York Post révélait samedi 21 mai une concordance embarrassante entre les ADN du futur prince de l'Elysée et de l'ex-futur Roi de France.

C'est une véritable bombe que vient de lâcher le très professionnel quotidien new-yorkais. Selon lui, Carla aurait tenu à vérifier la paternité de son futur enfant "à toutes fins utiles", afin, dit-elle, "de [se] défendre de toute raillerie éventuelle à l'endroit de son époux". Cependant, elle n'aurait jamais voulu démontrer la paternité de ce dernier en cas de doute, mais bien celle de Dominique! La stratégie est graveleuse, mais machiavéliquement géniale!

En effet, à l'occasion de sa dernière visite en France, le 20 février 2011, Dominique aurait croisé, "par hasard", la Première Dame dans les couloirs de France Télévisions, juste avant son intervention sur le plateau du 20h. "Je n'ai pas vraiment dû lui forcer la main" aurait-elle précisé, "il n'a fallu qu'un regard coquin et je me suis rapidement retrouvée contre le mur d'un petit local technique, il s'en est fallu d'un cheveu...". La suite est limpide. En cas de victoire de Dominique au premier tour de la présidentielle, Carla publiait le fameux test, ruinant ainsi tout espoir de l'ex-présumé candidat PS de conquérir l'Elysée.

Hélas, le sort en a décidé autrement. Trop seule pour garder un tel secret, Carla a fini par se confier à Woody Allen sur le tournage de Midnight in Paris. Le réalisateur américain n'a pas vraiment su tenir sa langue... Le 11 mai, la grossesse de Carla n'était plus un secret pour personne. Évidemment, les évènements du samedi 14 mai n'ont pas arrangé les choses. Dominique désormais écarté de la course, Carla s'est très vite sentie bien seule. Pour s'assurer que la nouvelle ne s'ébruite pas, elle aurait appelé Woody Allen dans la soirée du vendredi 20 mai, alors qu'il donnait une interview au New-York Post. Éméché, l'homme aurait parlé un peu fort au téléphone.

Ce qui est certain, c'est que la nouvelle risque d'énerver le tout petit. À peine remis de sa très récente overdose d'adrénaline, Nikozy ne va pas tarder à retrouver les chemins de la perdition auxquels les sondages l'avaient pourtant si bien préparé. Merci qui?

samedi 30 avril 2011

Le journal à chier #1, avant-projet

Bonsoir et bienvenue dans cette première édition du journal à chier.

Au sommaire cette semaine :

L’embargo sur la Tunisie n’a pas convaincu le Premier ministre qui s’est fendu d’un communiqué dont le contenu est parfaitement aléatoire, je cite : « la crise du budget que connait le pays depuis le début nous rapproche inévitablement de la fin ».

Au Japon, on se demande si l’état d’urgence est encore une priorité au regard du prix des légumes. Plus tard dans ce journal, nous tenterons de répondre à la question : « la catastrophe nucléaire, stop ou encore ? »

En France, les étudiants continuent de manifester contre le pouvoir d’achat, qu’ils disent totalitaire et aliénant. À défaut d’avoir compris leurs revendications, la classe ouvrière leur a également emboîté le pas puisqu’ils ne sont « pas contents ».

Belgique enfin, où nous apprenons à l’instant qu’on ne peut plus parler de Belgique justement, mais de Belle pour les francophones, ou de Gik pour les Flamands. En effet, le comité de la branlette nomenclaturale, dit « les négociateurs », s’est penché sur l’ensemble des problèmes non-prioritaires afin de déterminer comment appeler ce qu’on ne peut plus appeler un pays. Il a tranché en deux.

Tout de suite, la section "regard d'un autre oeil jeté au hasard d'un nouvel angle" qui jettera un nouveau regard sur une autre manière de voir comment faire d'un connard... un canard. Reportage.

mardi 5 avril 2011

À quoi sers-je?

Aurait pu demander Gainsbourg, mais pas Lama, par exemple.

En ce qui me concerne, j'ai bien peur de ne pas le savoir.

Le mot d'ordre du quotidien libre et belge "comprendre, c'est déjà agir" aurait tendance à me rassurer, a priori. C'est vite dit. Parce que plus j'essaie d'approcher la terrifiante nébuleuse médiatiquo-politique de notre triste monde, plus je m'y perds, et il parait que c'est bien normal.

Alors quoi? J'arrête d'essayer, et je me suffis à moi-même, médiocre existence humaine égoïste et curieuse de rien? Pas question, je mourrais d'ennui, ou alors je prendrais des drogues, ou je jouerais à World of Warcraft...ou je serais militaire. Non, je veux comprendre, je veux participer. Mais par où commencer? Aaah!... Les lignes de front ne manquent pas (je m'emploie à présent à la rédaction du paragraphe à clichés pour susciter l’approbation du lecteur, forcément conquis par la dénonciation de l'une ou l'autre des insupportables absurdités qui gangrènent l'humanité, parfois même depuis le premier coït de son Histoire) :

"L'Afrique noire meurt de faim et je ne termine pas mon assiette;
Le pétrole, c'est dangereux pour la santé;
Tuer quelqu'un, c'est s'exposer à d'immenses complications judiciaires et financières pour le reste de sa vie, mais tuer des milliers de gens, ça va encore;
Bush est un connard;
Le capitalisme, c'est bien;
La culture populaire est un oxymore;
Je n'ai jamais plu aux filles mais je suis intelligent et manipulateur, alors je porte un bonnet en forme de téton et je justifie la guerre sainte en remuant les bras;
Le pouvoir d'achat, ça n'existe pas;
L'inceste, ça fait des personnes handicapées;
Le cancer est une saloperie;
L'éthique est l'apanage de la gauche;
La pédophilie est encore le dernier argument des partisans de la peine de mort, mais elle est largement pratiquée dans l'institution la plus respectée des "gens biens";
La mondialisation me fait peur alors je marche en sandales et je mange des carottes pour sauver la planète;
Le profit n'appartient qu'à la droite;
Le 11 septembre est un complot;
J'invoque la Shoah pour me soustraire aux critiques de ma politique coloniale et raciste;
Fumer des joints, c'est manquer de respect à son propre corps et aux richesses qu'il renferme;
Je jure devant Dieu que je ferai de ce pays une puissance moderne et progressiste;
On n'a pas le droit de laisser une poubelle à nos enfants;
Si j'ai un peu d'argent et que je travaille beaucoup, je paie beaucoup d'impôts, si j'ai beaucoup d'argent et que je travaille peu, je ne paie pas beaucoup d'impôts;
La majorité des dealers sont noirs et arabes;
À compétences et statuts égaux, les femmes touchent 30% de moins que les hommes;
Sauf tsunami, le nucléaire est notre meilleure chance;
Le débat sur l'identité nationale est une priorité;
L'impérialisme culturel américain va tuer nos identités locales;
Les homosexuels sont des pédés;
La convergence numérique, c'est plus pratique;
Ton régime ne me convient pas, donc mange des F-16;
Le capitalisme, c'est mal;
J'ai peur de perdre mon identité religieuse alors je porte une barbe et je fais sauter des autobus remplis d'enfants;
Le sida, c'est comme le cancer, c'est une saloperie;
Les nano-technologies, c'est notre perte ou notre salut;
La Chine va tout niquer;
..."

Voilà ce qui me passe par la tête pour illustrer en vrac les vrais problèmes, les faux combats, les vraies conneries, les vérités qui dérangent et les idées fausses. Maintenant, la difficulté, c'est d'identifier ce qui vaut la peine d'être défendu et ce contre quoi il faut lutter. À ce petit jeu-là, je suis immédiatement prisonnier de la plus insupportable des évidences : je doute. Suis-je parce que je doute? Pas si sûr!

Le doute m'a enlevé ce qu'il me restait du courage de l'époque où je montrais mes fesses au professeur de religion. Qui suis-je aujourd'hui pour affirmer que la religion, c'est mal? Le doute me donnerait presque envie de réapprendre le flamand. Le doute m'a éloigné de l'appât du gain, mais il me rapproche aussi sûrement du chômage, dont les rouages m’apparaissent plutôt douteux. Le doute m'a privé de toutes les manifestations, de tous les slogans, de toutes les passions, de toutes les communautés, de toute...identité?

À quoi sers-je?